La maladie professionnelle

La reconnaissance des troubles psychologiques comme maladie professionnelle est essentielle pour assurer la protection et l’indemnisation des salariés dont la santé mentale est altérée par leurs conditions de travail.

Si la procédure est complexe et semée d’obstacles, elle est indispensable pour assurer une juste réparation. Au-delà de l’indemnisation, cette reconnaissance est également un signal fort pour les entreprises sur la nécessité impérieuse de prévenir les risques psychosociaux et de promouvoir un environnement de travail sain.

Le cadre juridique et les spécificités des troubles psychologiques

En principe, une reconnaissance de maladie professionnelle s’appuie sur des tableaux de maladies professionnelles qui listent des affections spécifiques et les conditions de leur survenue.

Cependant, les troubles psychologiques ne figurent pas explicitement dans ces tableaux car ils sont multifactoriels et ne peuvent être rattachés à un agent pathogène ou à un travail spécifique de manière aussi directe que certaines affections physiques. C’est pourquoi leur reconnaissance ne peut s’effectuer par la voie classique des tableaux, ce qui rend leur reconnaissance plus complexe et dépendante d’un mécanisme dérogatoire : la reconnaissance hors tableaux.

L’article L461-1 alinéas 3 et 4 du Code de la Sécurité sociale offre la possibilité de reconnaître une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles. Ce dispositif est fondamental pour les troubles psychologiques.

Pour que cette reconnaissance soit possible, 2 conditions cumulatives doivent être remplies :

  • La maladie doit être directement causée par le travail habituel du salarié. Cela implique d’établir un lien de causalité direct et certain entre l’activité professionnelle et l’apparition ou l’aggravation du trouble psychologique ;
  • La maladie doit avoir entraîné une incapacité permanente partielle (IPP) d’un taux au moins égal à 25% ou le décès de la du salarié. L’évaluation de l’IPP est réalisée par le médecin conseil de la Sécurité sociale. L’atteinte d’un taux d’IPP de 25% est souvent le principal obstacle à la reconnaissance des troubles psychologiques, car leur impact sur la capacité de travail est parfois difficile à quantifier précisément en termes d’IPP.
La procédure de reconnaissance d’une maladie professionnelle

La procédure de reconnaissance d’une maladie professionnelle relève de l’initiative du salarié et est complexe : « Maladie professionnelle : démarches à effectuer » sur le site Service-Public.fr

L’impérieuse nécessité de la constitution d’un dossier solide

Si la reconnaissance de troubles psychologiques en maladie professionnelle passe par une procédure complexe, elle nécessite également la constitution d’un dossier solide avec la réunion indispensable des éléments cruciaux suivants :

Les certificats médicaux détaillés

Le CMI doit être précis, décrire les symptômes, et mentionner les éléments suggérant une origine professionnelle.

Les témoignages et des preuves des conditions de travail

Il est essentiel que le salarié réunisse et fournisse des preuves des événements ayant pu déclencher le trouble (mails, attestations de collègues, avec dates et détails). C’est la raison pour laquelle il est important de notifier par écrit à l’employeur tout événement à impact psychologique (courrier, mail, signalement RH). Il est essentiel de documenter les faits précisément et datés.

L’avis du médecin

Le diagnostic médical précis et l’établissement d’un CMI détaillé sont la première étape indispensable pour la reconnaissance. Il est crucial d’y décrire les événements professionnels et leur impact sur l’état de santé.

L’assistance

Être assisté par un médecin du travail, un représentant du personnel, voire un avocat spécialisé peut s’avérer judicieux.

Les difficultés de la reconnaissance des troubles psychologiques comme maladie professionnelle

La reconnaissance des troubles psychologiques en maladie professionnelle reste un défi majeur en France, principalement pour les raisons suivantes :

La difficulté à établir le lien de causalité

Contrairement aux maladies physiques, le lien de causalité entre le travail et un trouble psychologiques est souvent difficile à prouver de manière irréfutable. Les troubles psychologiques peuvent avoir des origines multiples (personnelles, familiales, etc.), et il est parfois ardu de distinguer la part du travail dans leur survenue ou leur aggravation. Le CRRMP exige un lien « direct et essentiel », ce qui implique que le travail doit être la cause principale et déterminante de la pathologie.

L’exigence d’un taux d’IPP de 25%

L’obligation d’atteindre un taux d’IPP d’au moins 25% constitue un seuil élevé et une barrière significative. L’évaluation de ce taux pour les troubles psychologiques est subjective et peut varier d’un médecin conseil à l’autre. Des troubles sévères peuvent ne pas être évalués à ce taux, rendant la reconnaissance impossible, même si le lien avec le travail est avéré.

La pression et le stigmate

Les salariés souffrant de troubles psychologiques sont souvent confrontés à la stigmatisation et à la difficulté de parler de leurs souffrances. La démarche de reconnaissance peut être perçue comme un aveu de faiblesse, ou susciter l’incompréhension de l’employeur ou des collègues. La pression psychologique liée à la procédure elle-même peut aggraver l’état du salarié.

Les droits ouverts par la reconnaissance d’une maladie professionnelle

La reconnaissance d’une maladie professionnelle par la Sécurité sociale a plusieurs effets juridiques, sociaux et financiers importants pour le salarié dont les principaux sont les suivants :

La prise en charge des soins

Tous les soins liés à une maladie professionnelle sont pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie, sur la base et dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale. Pour les troubles psychologiques, cela inclut :

  • Les consultations médicales ;
  • Les hospitalisations (sans paiement du forfait journalier) ;
  • Les frais de transport ;
  • Les médicaments.

De plus, le système du tiers payant s’applique : le salarié n’a pas à faire l’avance des frais, la caisse d’affiliation règle directement les sommes dues aux professionnels de santé et établissements de soins. L’employeur doit remettre au salarié une « Feuille d’accident du travail ou de maladie professionnelle » qui lui permet de bénéficier de ces avantages.

Les indemnités journalières spécifiques

Les indemnités journalières visent à compenser la perte de salaire due à l’arrêt de travail. Elles sont calculées sur la base du salaire journalier de référence (SJR), qui correspond au salaire brut du mois civil précédant l’arrêt de travail, divisé par 30,42.

Le versement des indemnités journalières commence dès le lendemain du jour de l’arrêt de travail (le jour de l’arrêt étant entièrement à la charge de l’employeur) et il n’y a pas de délai de carence. Il n’est pas limité dans le temps et se poursuit jusqu’à la guérison complète du salarié.

Le montant des indemnités journalières varie en fonction de la durée de l’arrêt :

  • Du 1er au 28e jour d’arrêt : L’indemnité journalière correspond à 60 % du salaire journalier de référence. En 2025, le montant maximum est de 235,69 € par jour ;
  • À partir du 29e jour d’arrêt : L’indemnité journalière passe à 80 % du salaire journalier de référence. En 2025, le montant maximum est de 314,25 € par jour ;
  • Au-delà de 3 mois d’arrêt de travail, l’indemnité journalière peut être revalorisée en cas d’augmentation générale des salaires.

Attention : En Alsace-Moselle, des règles particulières s’appliquent. Le versement des indemnités journalières débute dès le 1er jour de l’arrêt et le salaire est maintenu à 100 %.

En plus des indemnités journalières de la Sécurité sociale, l’employeur peut être tenu de verser des indemnités complémentaires, en application de la loi pour les salariés qui ont une ancienneté de plus d’une année dans l’entreprise (loi de mensualisation) ou d’une convention collective. Ces indemnités peuvent garantir un maintien de salaire plus important (par exemple, 90 % de la rémunération brute pendant une certaine durée, puis 66,66 %). La durée de ce maintien dépend souvent de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Le montant de l’indemnité journalière est réduit de 0,5 % au titre de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et de 6,2 % au titre de la contribution sociale généralisée (CSG).

Les indemnités journalières perçues au titre d’une maladie professionnelle sont soumises à l’impôt sur le revenu pour 50 % de leur montant. Toutefois, lorsqu’elles sont versées au titre d’une affection de longue durée (ALD), elles sont exonérées en totalité de l’impôt sur le revenu. 

La protection de l’emploi

Pendant l’arrêt de travail, le contrat de travail est suspendu. Le salarié bénéficie d’une protection contre le licenciement, sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maladie professionnelle .

Les indemnités et rente en cas d’incapacité permanente

Après un accident du travail, si vous en gardez des séquelles, un taux d’incapacité permanente peut vous être attribué par l’Assurance maladie. Ce taux détermine si vous recevez une indemnité ou une rente, selon la gravité de votre situation.

Si le taux d’incapacité permanente est inférieur à 10%, le salarié peut percevoir une indemnité en capital.

Si le taux d’incapacité permanente est supérieur ou égal à 10% le salarié peut percevoir une rente d’incapacité permanente dont le montant dépend du taux d’incapacité et du salaire antérieur.

En cas de décès, vos ayants droit (conjoint, enfants, etc.) peuvent également recevoir un soutien financier.

Le droit à la réintégration ou au reclassement

À la fin de l’arrêt de travail, une visite de reprise est obligatoire auprès de la médecine du travail. Le médecin du travail est le seul à pouvoir émettre un avis sur l’aptitude ou l’inaptitude du salarié à reprendre son poste.

  • Si le retour est possible mais avec des aménagements, l’employeur a l’obligation de les mettre en œuvre (réduction du temps de travail, changement de tâches, etc.). Le médecin du travail peut également proposer un mi-temps thérapeutique ;
  • Si l’inaptitude du salarié est totale au poste de travail, l’employeur a alors l’obligation de rechercher un reclassement pour le salarié dans l’entreprise ou le groupe sur un poste compatible avec son état de santé. En cas d’impossibilité de reclassement, il peut procéder au licenciement pour inaptitude. Dans ce cas, l’employeur est tenu de verser une indemnité spéciale de licenciement au moins égal au double de l’indemnité légale de licenciement, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
Les possibilités d’action en faute inexcusable de l’employeur

En cas de « faute inexcusable » de l’employeur (s’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n’a pas pris les mesures nécessaires), le salarié peut obtenir en sus :

  • Une majoration de la rente ;
  • Des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
  • Des sanctions pénales (amendes et/ou peines de prison) en cas de non-respect des règles de sécurité ayant entraîné la maladie professionnelle , notamment en cas de blessures graves ou de décès.