L’accident du travail

La reconnaissance des troubles psychologiques comme accident du travail permet d’assurer une meilleure protection et l’indemnisation des salariés dont la santé mentale est altérée par un évènement lié au travail.

La reconnaissance des troubles psychologiques en accident du travail est un domaine en constante évolution juridique et médicale. Elle souligne l’importance croissante accordée à la santé mentale au sein du monde professionnel et la nécessité pour tous les acteurs (salariés, employeurs, institutions) de s’approprier ces enjeux pour garantir un environnement de travail protecteur et prévenir la souffrance.

La reconnaissance d’un trouble psychologique en tant qu’accident du travail demeure complexe mais possible, dès lors qu’un événement précis, daté et professionnel peut être identifié comme déclencheur. Une connaissance précise de la procédure, un suivi médical rigoureux et une stratégie bien construite sont essentiels pour faire valoir ses droits dans un contexte encore en évolution constante.

Le cadre juridique et les spécificités des troubles psychologiques

Selon les articles L411-1 et L311-2 du Code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail tout accident, quelle qu’en soit la cause, survenu par le fait ou à l’occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs.

Traditionnellement, l’accident du travail était associé à un événement soudain et ponctuel entraînant une lésion corporelle visible et immédiate.

Cependant, la jurisprudence (les décisions judiciaires) a progressivement étendu cette notion aux troubles psychologiques, reconnaissant qu’un événement lié au travail peut avoir des répercussions sur la santé mentale du salarié, sous réserve du respect de critères stricts.

Ains, pour qu’un trouble psychologique soit reconnu comme accident du travail, les conditions suivantes doivent être réunies :

  • Il doit être possible d’identifier un fait ou un ensemble de faits survenu(s) à une date certaine et en lien direct avec le travail. Il peut s’agir d’un choc émotionnel intense (agression, harcèlement grave, annonce de licenciement, surcharge de travail excessive et subite, conflit aigu, etc.) ;
  • Il doit exister un lien de causalité, c’est à dire un lien direct entre cet événement et l’apparition ou l’aggravation des troubles psychologiques ;
  • Les troubles psychologiques doivent se manifester par des symptômes cliniques et être médicalement diagnostiqué (dépression, syndrome de stress post-traumatique, burn-out sévère, anxiété généralisée, etc.).
La procédure de déclaration d’accident du travail d’origine psychologique

La procédure de reconnaissance d’un trouble psychologique en accident du travail suit les mêmes étapes qu’un accident physique : « Accident du travail : démarches à effectuer » sur le site Service-Public.fr

La nécessité de la constitution d’un dossier solide

Si la reconnaissance de troubles psychologiques en accident du travail passe par une procédure complexe, elle nécessite également la constitution d’un dossier solide avec la réunion indispensable des éléments cruciaux suivants :

Les certificats médicaux détaillés

Le CMI doit être précis, décrire les symptômes, et mentionner les éléments suggérant une origine professionnelle.

Les témoignages et des preuves des conditions de travail

Il est essentiel que le salarié réunisse et fournisse des preuves des événements ayant pu déclencher le trouble (mails, attestations de collègues, avec dates et détails). C’est la raison pour laquelle il est important de notifier par écrit à l’employeur tout événement à impact psychologique (courrier, mail, signalement RH). Il est essentiel de documenter les faits précisément et datés.

L’avis du médecin

Le diagnostic médical précis et l’établissement d’un CMI détaillé sont la première étape indispensable pour la reconnaissance. Il est crucial d’y décrire les événements professionnels et leur impact sur l’état de santé.

L’assistance

Être assisté par un médecin du travail, un représentant du personnel, voire un avocat spécialisé peut s’avérer judicieux.

Les difficultés de la reconnaissance des troubles psychologiques en accident du travail

La reconnaissance des troubles psychologiques en accident du travail peut s’avérer compliquée, principalement pour les raisons suivantes :

La difficulté à établir le lien de causalité

Le lien de causalité entre le travail et les troubles psychologiques est souvent difficile à prouver de manière irréfutable. Les troubles psychologiques peuvent avoir des origines multiples (personnelles, familiales, etc.), et il est parfois ardu de distinguer la part du travail dans leur survenue.

Le caractère insidieux et progressif des troubles psychologiques

Contrairement à un accident physique instantané, les troubles psychologiques peuvent se développer progressivement (comme dans les cas de harcèlement moral ou de surcharge de travail chronique). Dans ces situations, il est essentiel d’identifier un ou plusieurs événements déclencheurs ou des périodes d’intensification des contraintes.

La subjectivité de la souffrance

La souffrance psychologique est intrinsèquement subjective, ce qui peut rendre son appréciation plus délicate. C’est pourquoi le CMI est fondamental.

La pression et le stigmate

Les salariés souffrant de troubles psychologiques sont souvent confrontés à la stigmatisation et à la difficulté de parler de leurs souffrances. La démarche de reconnaissance peut être perçue comme un aveu de faiblesse, ou susciter l’incompréhension de l’employeur ou des collègues. La pression psychologique liée à la procédure elle-même peut aggraver l’état du salarié.

Les droits ouverts par la reconnaissance d’un accident de travail

La reconnaissance d’un accident du travail par la Sécurité sociale a plusieurs effets juridiques, sociaux et financiers importants pour le salarié dont les principaux sont les suivants :

La prise en charge des soins

Tous les soins liés à l’accident du travail sont pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie, sur la base et dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale. Pour les troubles psychologiques, cela inclut :

  • Les consultations médicales ;
  • Les hospitalisations (sans paiement du forfait journalier) ;
  • Les frais de transport ;
  • Les médicaments.

De plus, le système du tiers payant s’applique : le salarié n’a pas à faire l’avance des frais, la caisse d’affiliation règle directement les sommes dues aux professionnels de santé et établissements de soins. L’employeur doit remettre au salarié une « Feuille d’accident du travail ou de maladie professionnelle » qui lui permet de bénéficier de ces avantages.

Les indemnités journalières spécifiques

Les indemnités journalières visent à compenser la perte de salaire due à l’arrêt de travail. Elles sont calculées sur la base du salaire journalier de référence (SJR), qui correspond au salaire brut du mois civil précédant l’arrêt de travail, divisé par 30,42.

Le versement des indemnités journalières commence dès le lendemain du jour de l’accident du travail (le jour de l’accident étant entièrement à la charge de l’employeur) et il n’y a pas de délai de carence. Il n’est pas limité dans le temps et se poursuit jusqu’à la guérison complète du salarié.

Le montant des indemnités journalières varie en fonction de la durée de l’arrêt :

  • Du 1er au 28e jour d’arrêt : L’indemnité journalière correspond à 60 % du salaire journalier de référence. En 2025, le montant maximum est de 235,69 € par jour ;
  • À partir du 29e jour d’arrêt : L’indemnité journalière passe à 80 % du salaire journalier de référence. En 2025, le montant maximum est de 314,25 € par jour ;
  • Au-delà de 3 mois d’arrêt de travail, l’indemnité journalière peut être revalorisée en cas d’augmentation générale des salaires.

Attention : En Alsace-Moselle, des règles particulières s’appliquent. Le versement des indemnités journalières débute dès le 1er jour de l’arrêt et le salaire est maintenu à 100 %.

En plus des indemnités journalières de la Sécurité sociale, l’employeur peut être tenu de verser des indemnités complémentaires, en application de la loi pour les salariés qui ont une ancienneté de plus d’une année dans l’entreprise (loi de mensualisation) ou d’une convention collective. Ces indemnités peuvent garantir un maintien de salaire plus important (par exemple, 90 % de la rémunération brute pendant une certaine durée, puis 66,66 %). La durée de ce maintien dépend souvent de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Le montant de l’indemnité journalière est réduit de 0,5 % au titre de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et de 6,2 % au titre de la contribution sociale généralisée (CSG).

Les indemnités journalières perçues au titre d’un accident du travail sont soumises à l’impôt sur le revenu pour 50 % de leur montant. Toutefois, lorsqu’elles sont versées au titre d’une affection de longue durée (ALD), elles sont exonérées en totalité de l’impôt sur le revenu. 

La protection de l’emploi

Pendant l’arrêt de travail, le contrat de travail est suspendu. Le salarié bénéficie d’une protection contre le licenciement, sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident.

Les indemnités et rente en cas d’incapacité permanente

Après un accident du travail, si vous en gardez des séquelles, un taux d’incapacité permanente peut vous être attribué par l’Assurance maladie. Ce taux détermine si vous recevez une indemnité ou une rente, selon la gravité de votre situation.

Si le taux d’incapacité permanente est inférieur à 10%, le salarié peut percevoir une indemnité en capital.

Si le taux d’incapacité permanente est supérieur ou égal à 10% le salarié peut percevoir une rente d’incapacité permanente dont le montant dépend du taux d’incapacité et du salaire antérieur.

En cas de décès, vos ayants droit (conjoint, enfants, etc.) peuvent également recevoir un soutien financier.

Le droit à la réintégration ou au reclassement

À la fin de l’arrêt de travail, une visite de reprise est obligatoire auprès de la médecine du travail. Le médecin du travail est le seul à pouvoir émettre un avis sur l’aptitude ou l’inaptitude du salarié à reprendre son poste.

  • Si le retour est possible mais avec des aménagements, l’employeur a l’obligation de les mettre en œuvre (réduction du temps de travail, changement de tâches, etc.). Le médecin du travail peut également proposer un mi-temps thérapeutique ;
  • Si l’inaptitude du salarié est totale au poste de travail, l’employeur a alors l’obligation de rechercher un reclassement pour le salarié dans l’entreprise ou le groupe sur un poste compatible avec son état de santé. En cas d’impossibilité de reclassement, il peut procéder au licenciement pour inaptitude. Dans ce cas, l’employeur est tenu de verser une indemnité spéciale de licenciement au moins égal au double de l’indemnité légale de licenciement, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
Les possibilités d’action en faute inexcusable de l’employeur

En cas de « faute inexcusable » de l’employeur (s’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n’a pas pris les mesures nécessaires), le salarié peut obtenir en sus :

  • Une majoration de la rente ;
  • Des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
  • Des sanctions pénales (amendes et/ou peines de prison) en cas de non-respect des règles de sécurité ayant entraîné l’accident, notamment en cas de blessures graves ou de décès.