La résiliation judiciaire du contrat de travail
La résiliation judiciaire du contrat de travail est une procédure légale qui permet à un salarié de demander à un juge la rupture de son contrat de travail, en raison de manquements graves de l’employeur à ses obligations. Elle se distingue de la prise d’acte de la rupture, qui est une rupture immédiate à l’initiative du salarié puis requalifié ou non par le juge à la demande du salarié dans un second temps.
En matière de santé mentale, la résiliation judiciaire est le recours approprié lorsque les troubles psychologiques du salarié sont la conséquence de manquements graves de l’employeur à son obligation de sécurité. Cette obligation, qui est de résultat, est d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Néanmoins, la réflexion s’impose avant la mise en œuvre de cette solution du fait des conséquences en cas de rejet de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par le juge. C’est pourquoi l’accompagnement par un professionnel du droit est conseillé et la constitution de preuves solides est indispensable.
Le cadre juridique de la résiliation judiciaire du contrat de travail
La résiliation judiciaire du contrat de travail trouve son fondement dans l’article L1231-1 du Code du travail, qui permet à l’une des parties, en l’espèce le salarié, de saisir le Conseil de prud’hommes pour demander la rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI).
Une jurisprudence (les décisions des tribunaux) constante de la Cour de cassation rappelle régulièrement que la résiliation judiciaire est subordonnée à la preuve de manquements suffisamment graves de l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail.
La résiliation judiciaire du contrat de travail en matière de santé mentale au travail
En vertu de l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs. Cette obligation est une obligation de résultat.
L’obligation de sécurité de l’employeur est le fondement juridique le plus fréquent de la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas de troubles psychologiques. Les manquements de l’employeur peuvent être multiples :
- Le harcèlement moral quand l’employeur laisse se développer une situation de harcèlement moral ou en est l’auteur ;
- Le harcèlement sexuel quand l’employeur n’agit pas face à des faits de harcèlement sexuel ou en est l’auteur ;
- Les conditions de travail dégradées mises en place ou laissées en place par l’employeur tels qu’une surcharge de travail, l’isolement du salarié, l’absence de reconnaissance de son travail, etc. ;
- La discrimination lorsque le salarié est victime de discrimination liée à son état de santé, son handicap, ou à d’autres motifs interdits par la loi ;
- Le non-respect des préconisations du médecin du travail visant à adapter le poste du salarié ou à le déclarer inapte ;
- L’inaction de l’employeur face à des alertes du salarié ou du médecin du travail.
La procédure de la résiliation judiciaire du contrat de travail
Les étapes clés de la résiliation judiciaire sont les suivantes :
- La saisine du Conseil de prud’hommes : le salarié saisit le Conseil de prud’hommes. Il formule une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par une requête détaillée dans laquelle il expose l’intégralité des faits et griefs à l’encontre de son employeur ;
- Le Conseil de prud’hommes convoque les deux parties pour une audience de conciliation. C’est une étape obligatoire qui a pour but de trouver une solution amiable. Si un accord est trouvé, la procédure s’arrête là. Sinon, l’affaire est renvoyée devant le Bureau de jugement. C’est à ce moment-là que chaque partie présente ses arguments et ses preuves ;
- Les preuves des manquements : le salarié doit réunir toutes les preuves possibles des manquements de l’employeur (témoignages écrits, mails, SMS, documents internes, rapports médicaux, arrêts de travail, courriers adressés à l’employeur, etc.). Le lien avec les troubles psychologiques doit être étayé par des certificats médicaux, des consultations de psychologues, etc.
- Le Conseil de prud’hommes prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail ou rejette la demande de rupture après avoir vérifié la réalité et la gravité des manquements de l’employeur.
Chaque partie à la possibilité de contester de la décision du Conseil de prud’hommes devant la Cour d’appel.
Les conséquences de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Les conséquences de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail varient en fonction de la décision du Conseil de prud’hommes :
Le Conseil de prud’hommes donne raison au salarié
Lorsque les manquements de l’employeur sont reconnus , le Conseil de prud’hommes prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail et qualifie la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans ce cas, le salarié a les mêmes droits, à compter de sa demande en justice, que s’il avait été licencié sans cause réelle et sérieuse, à savoir :
- L’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle ;
- Les indemnités compensatrices de congés payés et de préavis ;
- L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée selon un barème légal prévu par l’article L. 1235-3 du Code du travail (sauf en cas d’indemnité spécifique ci-dessous).
- L’indemnité spécifique en cas de discrimination, harcèlement moral ou sexuel, ou non respect de la protection liée à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle, d’un minimum de 6 mois de salaire (primes et heures supplémentaires inclues), sans condition d’ancienneté et sans plafond, fixée par le juge en fonction du préjudice subi par le salarié. Cette indemnité spécifique se cumule avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ainsi qu’avec l’indemnité compensatrice de préavis ;
- Les sommes diverses éventuellement dues en cas de rupture du contrat : épargne salariale, primes, etc. ;
- Les indemnités de chômage (ARE) le cas échéant ;
- Les documents de fin de contrat de travail remis par l’employeur : certificat de travail, attestation France Travail et le reçu pour solde de tout compte.
Le Conseil de prud’hommes donne raison à l’employeur
Lorsque les faits reprochés à l’employeur ne sont pas suffisamment graves, le Conseil de prud’hommes rejette la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Le contrat de travail n’est pas rompu et le salarié est censé retourner travailler.
Si le salarié a déjà quitté l’entreprise, le juge peut considérer que son départ s’analyse en une démission. Dans ce cas, les conséquences sont les suivantes :
- Seules les indemnités compensatrices de congés payés sont payées aux salarié ainsi que les sommes diverses éventuellement dues en cas de rupture du contrat (épargne salariale, primes, etc.) ;
- Les documents de fin de contrat de travail sont remis par l’employeur : certificat de travail, attestation France Travail et le reçu pour solde de tout compte.
Attention : le salarié n’a pas droit aux indemnités de chômage (ARE) en cas de rejet de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et risque de verser une indemnité compensatrice de préavis à l’employeur pour le préavis non effectué s’il a déjà quitté l’entreprise.