La prise d’acte de la rupture du contrat de travail
La prise d’acte est un mode de rupture unilatérale du contrat de travail à l’initiative du salarié, invoqué lorsque l’employeur a commis des manquements suffisamment graves rendant impossible la poursuite du contrat.
Lorsqu’un salarié invoque des troubles psychologiques liés au travail (souvent dus à du harcèlement moral, une charge excessive ou un climat délétère), il peut recourir à la prise d’acte afin que ce mécanisme produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail fondée sur des troubles psychologiques constitue un levier juridique puissant mais doit être envisagée avec prudence au regard des conséquences qu’elle entraîne en cas d’échec de la procédure pour le salarié. Dans tous les cas, l’accompagnement par un professionnel du droit est conseillé et la constitution de preuves solides est indispensable.
Le cadre juridique et les conditions de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est encadrée par l’article L1451-1du Code de la sécurité sociale et par la jurisprudence (les décisions) de la Cour de cassation.
La prise d’acte est une rupture immédiate par le salarié de son contrat de travail à durée indéterminée (CDI) lorsqu’il considère que des manquements graves de son employeur rendent impossible la poursuite de son travail au sein de l’entreprise.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est possible à tout moment, le contrat est rompu au jour où le salarié cesse son travail et il n’est pas obligé d’effectuer un préavis. Cependant, la prise d’acte n’est pas possible durant la période d’essai.
Les manquements de l’employeur pouvant justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail en rapport avec la santé mentale du salarié sont notamment les suivants :
- Le harcèlement moral quand l’employeur laisse se développer une situation de harcèlement moral ou en est l’auteur ;
- Le harcèlement sexuel quand l’employeur n’agit pas face à des faits de harcèlement sexuel ou en est l’auteur ;
- Les conditions de travail dégradées mises en place ou laissées en place par l’employeur tels qu’une surcharge de travail, l’isolement du salarié, l’absence de reconnaissance de son travail, etc. ;
- La discrimination lorsque le salarié est victime de discrimination liée à son état de santé, son handicap, ou à d’autres motifs interdits par la loi ;
- Le non-respect des préconisations du médecin du travail visant à adapter le poste du salarié ou à le déclarer inapte ;
- L’inaction de l’employeur face à des alertes du salarié ou du médecin du travail.
La procédure de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Les étapes clés de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail sont les suivantes :
- La notification de la prise d’acte à l’employeur : aucun formalisme particulier n’est exigé mais elle se fait souvent par lettre recommandée avec avis de réception (voir le modèle de lettre) ;
- Les preuves des manquements : le salarié réunit toutes les preuves possibles des manquements de l’employeur (témoignages écrits, mails, SMS, documents internes, rapports médicaux, arrêts de travail, courriers adressés à l’employeur, etc.). Le lien avec les troubles psychologiques doit être étayé par des certificats médicaux, des consultations de psychologues, etc.
- La saisine du Conseil de prud’hommes : dans les jours qui suivent l’envoi de la lettre, le salarié saisit le Conseil de prud’hommes. Il rédige une requête détaillée dans laquelle il expose l’intégralité des griefs et demande la requalification de la prise d’acte en licenciement et l’attribution des différentes indemnités ;
- Le Conseil de prud’hommes requalifie la prise d’acte soit en licenciement, soit en démission dans le délai de 1 mois à compter de sa saisine après avoir vérifié la réalité et la gravité des manquements de l’employeur.
Chaque partie à la possibilité de contester de la décision du Conseil de prud’hommes devant la Cour d’appel.
Les conséquences de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Les conséquences de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié varient en fonction de la décision du Conseil de prud’hommes :
Le Conseil de prud’hommes requalifie la prise d’acte en licenciement
Lorsque la prise d’acte est reconnue, le Conseil de prud’hommes prononce un licenciement. Dans ce cas, le salarié a les mêmes droits, à compter de la date de la prise d’acte, que s’il avait été licencié à la date de la prise d’acte, à savoir :
- L’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle ;
- Les indemnités compensatrices de congés payés et de préavis ;
- L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée selon un barème légal prévu par l’article L. 1235-3 du Code du travail (sauf en cas d’indemnité spécifique ci-dessous).
- L’indemnité spécifique en cas de discrimination, harcèlement moral ou sexuel, ou non respect de la protection liée à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle, d’un minimum de 6 mois de salaire (primes et heures supplémentaires inclues), sans condition d’ancienneté et sans plafond, fixée par le juge en fonction du préjudice subi par le salarié. Cette indemnité spécifique se cumule avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ainsi qu’avec l’indemnité compensatrice de préavis ;
- Les sommes diverses éventuellement dues en cas de rupture du contrat : épargne salariale, primes, etc. ;
- Les indemnités de chômage (ARE) le cas échéant ;
- Les documents de fin de contrat de travail remis par l’employeur : certificat de travail, attestation France Travail et le reçu pour solde de tout compte.
Le Conseil de prud’hommes requalifie la prise d’acte en démission
Lorsque les faits reprochés à l’employeur ne sont pas suffisamment graves, le Conseil de prud’hommes requalifie la prise d’acte en démission. Dans ce cas, le salarié a les mêmes droits, à compter de la date de la prise d’acte, que s’il avait démissionné, à savoir :
- Les indemnités compensatrices de congés payés ;
- Les sommes diverses éventuellement dues en cas de rupture du contrat : épargne salariale, primes, etc. ;
- Les documents de fin de contrat de travail remis par l’employeur : certificat de travail, attestation France Travail et le reçu pour solde de tout compte.
Attention : en cas de démission, le salarié n’a pas droit aux indemnités de chômage (ARE) et risque de verser une indemnité compensatrice de préavis à l’employeur pour le préavis non effectué.