L’action en justice pour cessation des agissements
causant des troubles mentaux au salarié
Lorsqu’un salarié est victime d’agissements portant atteinte à sa santé psychologique, il peut saisir le juge pour demander la cessation de ces agissements. Cette procédure repose sur des fondements juridiques précis et suppose la réunion de conditions strictes.
Les bases légales de l’action
- L’article L. 4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés. Cette obligation de sécurité comprend des actions de prévention, d’information et de formation, ainsi qu’une organisation et des moyens adaptés ;
- Les tribunaux, notamment la Cour de cassation avec une décision en date du 28/02/2006, imposent une obligation de sécurité de résultat (le résultat attendu doit impérativement être atteint), qui peut engager la responsabilité de l’employeur dès lors qu’un dommage survient, même si des mesures de prévention ont été mises en œuvre ;
- Les articles L. 1132-1 et suivants du Code du travail interdisent toute discrimination, notamment fondée sur l’état de santé ou le handicap, ce qui inclut les troubles mentaux ;
- Les articles L. 1152-1 et suivants du Code du travail interdisent le harcèlement moral défini comme des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
- Les articles L. 1153-1 et suivants du Code du travail interdisent le harcèlement sexuel défini comme des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers, est également constitutif de harcèlement sexuel ;
- La protection contre le stress et les risques psychosociaux (RPS) n’est pas spécifiquement définis par la loi, mais les RPS sont intégrés dans l’obligation générale de sécurité de l’employeur. Ils recouvrent des situations de stress, de violences internes ou externes, et sont susceptibles d’engendrer des troubles mentaux ;
L’objet de l’action
L’action en justice vise principalement à faire cesser les agissements en cause. Elle peut être assortie de demandes complémentaires :
- L’interdiction de certains comportements ou mesures (changement de poste, arrêt des propos dénigrants, etc.) ;
- La réorganisation du service ;
- La réintégration dans un poste compatible avec la santé du salarié ;
- L’obtention de dommages et intérêts en réparation du préjudice psychologique subi.
Le juge peut également ordonner des mesures d’instruction (enquête, expertise médicale ou psychosociale) pour apprécier la réalité des faits allégués.
La preuve des agissements fautifs
La charge de la preuve
En principe, c’est au salarié qui saisit la justice d’établir la matérialité des faits. Cependant, et conformément à l’article L. 1154-1 du Code du travail, le salarié n’a pas à prouver de manière exhaustive les faits de harcèlement moral ou de harcèlement moral. Par analogie, ce régime probatoire spécifique est souvent appliquée aux autres faits portant atteintes à la santé mentale. Il lui suffit de présenter des éléments laissant présumer leur existence. Il appartient ensuite à l’employeur de démontrer que les agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement ou qu’il a pris les mesures nécessaires pour les prévenir.
Cette modulation de la charge de la preuve a été confirmée par la Cour de cassation (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-10.551).
Les éléments de preuve
Les éléments de preuve du salarié sont notamment les suivants :
- Les témoignages avec des attestations de collègues, d’anciens salariés, de clients, etc. ;
- Les documents écrits comme les échanges de courriels, SMS, comptes-rendus de réunions, évaluations professionnelles, plannings, feuilles de temps prouvant une surcharge de travail, etc. ;
- Les absences répétées du salarié ;
- Les certificats médicaux établis par le médecin traitant, le psychiatre, le psychologue, décrivant l’état de santé mentale (anxiété, dépression, burn-out, stress post-traumatique, etc.) et faisant le lien avec les conditions de travail du salarié ;
- Les constats d’huissier peuvent être établis pour des faits observables (conditions de travail dégradées, etc.) ;
- Les rapports d’expertise d’experts psychiatres ou psychologues désignés par le juge ou à l’initiative du salarié ;
- Les signalements internes avec la preuve des alertes émises auprès de la hiérarchie, des ressources humaines, des représentants du personnel, du médecin du travail.
Les différentes procédures
La juridiction compétente est le Conseil de prud’hommes qui est saisi par une requête aux fins de saisine déposée au greffe par le salarié ou son représentant ;
Concernant l’action cessation des agissements causant des troubles mentaux au salarié, il existe plusieurs types de procédures. Le salarié précisera dans sa requête celle qu’il souhaite engager parmi les suivantes :
- La procédure devant le Bureau de conciliation et d’orientation est la première étape obligatoire de la procédure prud’homale, sauf exceptions. Son objectif principal est de favoriser un règlement amiable du litige entre le salarié et l’employeur. En cas d’échec, total ou partiel, l’affaire est ensuite orientée vers le Bureau de jugement, qui sera chargé de trancher les points litigieux. Dans l’attente, le Bureau de conciliation et d’orientation peut prendre des mesures provisoires ;
- La procédure accélérée au fond qui permet une évaluation complète des faits directement devant le bureau de jugement, uniquement pour les cas prévus par la loi tels que le harcèlement moral et le harcèlement sexuel. Ce n’est pas une obligation pour le salarié mais dans ces deux situations il peut bénéficier de cette procédure pour aller directement à la phase de jugement sans passer par la phase de tentative de conciliation ;
- La procédure de référé qui permet à la formation des référés d’ordonner des mesures provisoires et urgentes pour faire cesser un trouble manifestement illicite. ;
Les délais pour agir
Le délai applicable pour agir en justice, c’est à dire le délai de prescription de l’action en justice, dépend du fondement juridique de l’action engagée, à savoir :
- En cas de harcèlement moral avéré ou allégué et de harcèlement sexuel, le délai de prescription est de 5 ans à compter du dernier fait de harcèlement ;
- Les actions relatives à l’exécution du contrat de travail, qui comprend l’obligation générale de sécurité de l’employeur et par conséquent les situations susceptibles d’engendrer des troubles mentaux, sont soumises à un délai de prescription de 2 ans à compter du fait générateur des troubles.