La médiation

La souffrance psychologique au travail génère de nombreux contentieux. Face à la complexité et à la durée des procédures judiciaires, la médiation se présente comme une voie privilégiée pour désamorcer les conflits, restaurer le dialogue et trouver des solutions amiables, propices à la préservation de la santé mentale des salariés et à la qualité du climat social en entreprise.

Le cadre juridique de la médiation en droit du travail

La médiation est encadrée par plusieurs textes législatifs et réglementaires qui en garantissent la légitimité et la sécurité juridique :

  • Les articles 1530 et suivants du Code de Procédure Civile définissent la médiation et posent les principes généraux qui la régissent, notamment la liberté des parties d’y recourir et la confidentialité ;
  • Les articles L. 1121-1 et L. 1152-1 et suivants du Code du Travail ne traite pas spécifiquement de la médiation mais ces articles relatifs à la protection de la santé physique et mentale des salariés, à l’interdiction du harcèlement moral et sexuel, et à l’obligation de sécurité de l’employeur, créent un terrain fertile pour l’application de la médiation en cas de manquement à ces obligations ;
  • L’article L. 1237-12 du Code du Travail concerne la rupture conventionnelle du contrat de travail et ouvre la voie à des négociations pour lesquelles la médiation peut être un soutien utile ;
  • Le décret n°2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification et à la modernisation du droit et à la médiation a renforcé la place de la médiation en la rendant obligatoire dans certains cas avant la saisine du juge ;
  • La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 dite Loi Travail (El Khomri) a notamment favorisé le recours aux modes alternatifs de règlement des différends, dont la médiation ;
  • L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a incité au développement de la médiation prud’homale.
Les différents types de médiation adaptés aux problématiques de santé mentale

Plusieurs formes de médiation peuvent être envisagées en fonction des spécificités du conflit et du stade de son évolution :

  • La médiation conventionnelle (ou amiable) est possible quand les parties décident librement de recourir à un médiateur, en dehors de toute procédure judiciaire. Cette approche est particulièrement pertinente en amont d’un contentieux, lorsque les tensions émergent ou que le dialogue est rompu, afin de prévenir l’aggravation de la situation et ses répercussions sur la santé mentale ;
  • La médiation interne existe dans certaines grandes entreprises qui mettent en place des dispositifs de médiation interne, avec des médiateurs spécifiquement formés et souvent rattachés aux services des ressources humaines ou à une direction dédiée. Cela permet une réactivité accrue et une connaissance approfondie des spécificités de l’entreprise ;
  • La médiation externe est également possible lorsque les parties font appel à un médiateur indépendant, extérieur à l’entreprise. Cette impartialité est souvent perçue comme un gage de confiance, particulièrement utile dans les situations où la méfiance est grande ;
  • La médiation judiciaire peut avoir lieu si le juge décide de proposer aux parties de recourir à la médiation une fois l’instance judiciaire engagée. Cette médiation suspend le cours de la procédure et offre une opportunité de trouver une solution négociée, évitant ainsi un jugement potentiellement long et coûteux.
Les principes fondamentaux de la médiation

Le succès de la médiation repose sur le respect de principes intangibles, à savoir :

  • Le volontariat et liberté des parties de participer à la médiation. Les parties conservent à tout moment la liberté de se retirer du processus ;
  • La stricte confidentialité de tout ce qui est dit ou échangé durant le processus de médiation est obligatoire et ne peut être divulgué, sauf accord des parties ou obligation légale impérieuse. Cette confidentialité est essentielle pour instaurer un climat de confiance et favoriser l’expression libre des parties ;
  • L’impartialité et la neutralité du médiateur qui est un tiers indépendant, impartial et neutre. Il n’a aucun pouvoir de décision, ne prend pas parti et ne propose pas de solution. Son rôle est de faciliter le dialogue et d’aider les parties à trouver elles-mêmes la solution la plus adaptée ;
  • La diligence et célérité de la médiation qui est un processus généralement plus rapide qu’une procédure judiciaire, ce qui est particulièrement bénéfique pour les salariés en souffrance psychologique qui ont besoin de solutions rapides ;
  • L’absence de force exécutoire de l’issue de la médiation qui n’est un processus pas un jugement contraignant. L’accord issu de la médiation n’a de force exécutoire qu’après avoir été homologué par un juge, si les parties le souhaitent.
Le rôle du médiateur face aux problématiques de santé mentale au travail

La médiation est particulièrement indiquée dans diverses situations impactant la santé mentale au travail, et plus particulièrement :

  • En cas de harcèlement moral avéré ou allégué, la médiation peut permettre, avant ou pendant une procédure judiciaire, de clarifier la situation, d’identifier les comportements problématiques et de trouver des solutions pour mettre fin au harcèlement, protéger la victime et, si nécessaire, accompagner l’auteur ;
  • Lors de tensions persistantes entre collègues, ou entre un salarié et sa hiérarchie, qui impactent fortement la santé mentale, la médiation offre un espace pour désamorcer ces conflits et rétablir des relations de travail saines ;
  • Dans des situations de stress chronique et de risques psychosociaux (RPS) identifiés comme source de mal-être, la médiation peut être utilisée pour co-construire des solutions avec l’employeur et les salariés, afin d’améliorer les conditions de travail ;
  • En cas de burn-out ou de bore-out, la médiation peut aider à comprendre les facteurs ayant conduit au burn-out, à identifier les ajustements nécessaires dans l’organisation du travail et à faciliter un retour à l’emploi si la personne est toujours salariée de l’entreprise ;
  • En cas de difficultés de reclassement suite à une inaptitude (totale ou partielle) liée à des problèmes de santé mentale, la médiation peut faciliter la recherche de solutions adaptées et acceptables pour les deux parties ;
  • La gestion des retours d’absence prolongée (maladie, accident du travail) après une longue absence, souvent liée à des problèmes de santé mentale, peut être source d’anxiété. La médiation peut alors aider à préparer ce retour et à aménager le poste si nécessaire.
Les limites et les conditions de réussite de la médiation

Malgré ses nombreux avantages, la médiation a ses limites et sa réussite est conditionnée par plusieurs facteurs, dont les suivants :

  • L’absence de rapport de force équilibré, lorsque l’une des parties est en position de faiblesse trop importante ou si un déséquilibre manifeste existe, peut rendre la médiation inappropriée car elle repose sur la capacité des parties à s’exprimer librement et à négocier d’égal à égal ;
  • L’absence de reconnaissance des faits graves, surtout lorsque ces faits sont constitutifs de harcèlement ou de discrimination très graves et avérés, où la reconnaissance des faits est primordiale pour la victime, peut justifier que dans ce cas la médiation soit moins satisfaisante qu’une action en justice ;
  • La volonté sincère des parties à trouver une solution amiable et à s’investir dans le processus conditionne fortement la réussite de la médiation ;
  • Le choix d’un médiateur qualifié, expérimenté et sensibilisé aux problématiques de santé mentale est essentiel ;
  • L’information et la préparation des parties en amont sur le processus de médiation, de ses principes et de leurs droits favorise beaucoup sa réussite.